La participation, le 8 novembre dernier, à une assemblée annuelle de producteurs agricoles au Québec a suscité chez moi une prise de conscience particulièrement significative quant aux dynamiques de dégradation des sols en Haïti. Le constat est alarmant : l’exposition quasi permanente de nos terres à un ensoleillement intense, combinée à l'absence de couverture végétale, accélère l’érosion des sols arables. Les pluies violentes, récurrentes, emportent non seulement les particules fertiles, mais également la matière organique, ressource cruciale pour la régénération et la santé biologique des sols.
Or, la matière organique constitue le substrat fondamental assurant la vitalité d’un sol : elle favorise la présence de vers de terre, de champignons, de bactéries et de micro-organismes indispensables au maintien de l’équilibre écologique. En Haïti, la disparition progressive de cette matière, exacerbée par le déboisement massif de nos mornes, conduit chaque année à une perte considérable de terres agricoles, entraînées vers la mer. Dans ce contexte, l’adoption de la biodynamie apparaît comme une alternative pertinente, éprouvée dans plusieurs pays, pour restaurer la fertilité des sols haïtiens.
Au cours de l’assemblée québécoise, un exposé consacré à la méthode biodynamique a mis en lumière l’importance déterminante de la santé des sols dans l’ensemble des secteurs agricoles. Qu’ils soient céréaliers, maraîchers, arboriculteurs ou éleveurs, tous les agriculteurs présents témoignaient d’une même préoccupation majeure : préserver la vitalité du sol par des pratiques agroécologiques rigoureuses. Cette transversalité m’a particulièrement frappé, car elle rappelle que l’agriculture constitue un système intégré, où chaque activité dépend d’un équilibre global.
Mon intérêt pour l’élevage caprin m’a amené à rejoindre le groupe des éleveurs lors de cette assemblée. J’ai pu observer que la biodynamie, fondée sur une gestion rationnelle des ressources naturelles et une compréhension des cycles cosmiques, permet d’améliorer la productivité, de renforcer la résilience des sols et de garantir une qualité nutritionnelle supérieure des produits agricoles. Cet héritage conceptuel, transmis par Rudolf Steiner, demeure largement sous-utilisé dans les pratiques agricoles haïtiennes.
Il devient dès lors impératif d’intégrer la méthode biodynamique au sein de nos espaces agricoles traditionnels, tels que les jardins « lakou », en synergie avec mon projet d’élevage de chèvres en éco-pâturage. L’élevage caprin présente, en effet, des avantages comparatifs notables : un lait très prisé dans la filière fromagère, une viande appréciée pour ses qualités organoleptiques, une gestation courte et une grande adaptabilité à l’éco-pâturage, méthode durable d'entretien des paysages.
Cette expérience québécoise constitue pour moi une invitation à repenser en profondeur les modèles agricoles haïtiens. Le recours à la biodynamie représente une voie novatrice et durable pour restaurer nos sols, renforcer notre souveraineté alimentaire et réhabiliter notre rapport traditionnel à la Terre-mère.
Osprival Descomme
Membre du noyau de l’Initiative Citoyenne pour le Changement