On parle à tout bout de champ du trafic d’organes en Haïti. Dans un pays marqué par la vulnérabilité et la précarité, les rumeurs et les mensonges finissent souvent par se transformer en « vérités » à force d’être répétés. Pourtant, il est essentiel, en tant qu’intellectuel de la santé, d’analyser ces discours pour guider la population vers des conclusions sensées et rationnelles.
Le mythe d’un vaste trafic d’organes organisé en Haïti ne tient pas la route, sauf s’il s’agisse des pratiques occultes voire diaboliques, ce qui relève d’un autre domaine. Un organe humain n’est pas une pièce de voiture que l’on retire pour la replacer ailleurs. C’est extrêmement délicat, ce qui exige des conditions médicales et logistiques rigoureuses. Plus un pays est pauvre, plus ces conditions deviennent difficiles et coûteuses à réunir.
Pour toute transplantation, même quand le donneur est présent, il existe une longue liste d’analyses à réaliser et un protocole strict à respecter pour éviter un rejet. Prenons cet exemple: une dent, qui est aussi un organe, peut être rejetée dans un même patient infantile, et même sa réimplantation immédiate exige des protocoles précis. Chez les enfants, une incisive tombée dans un accident perd rapidement son alvéole, et chaque minute compte.
Le temps et la distance sont les principaux ennemis de tout transfert d’organe. Pourtant, en Haïti, on parle souvent de cœurs, de reins ou de foies prétendument trafiqués comme s’il suffisait de les placer dans un récipient rempli de glace pour les expédier à l’étranger. Or, ces organes ne peuvent être conservés dans n’importe quelles conditions, et l’idée d’un transport aérien rapide relève du fantasme dans un pays où l’aviation est un véritable nœud gordien.
Pour qu’un trafic d’organes existe, il faudrait :
*des banques d’organes fonctionnelles,
*des médecins spécialisés, expérimentés et disponibles 24/7,
*des installations adéquates,
*des ambulances modernes, équipées pour la conservation et le transport,
*une logistique impeccable, du point A au point B.
Tout cela me semble quasiment impossible dans le contexte haïtien actuel.
Conclusion: Entre mythe et réalité
Les rumeurs sur le trafic d’organes en Haïti prospèrent sur la peur, l’ignorance et l’absence d’informations fiables. Elles alimentent l’imaginaire collectif mais ne reposent sur aucune base médicale, scientifique ou logistique concrète.
Il est temps de privilégier la raison, d’exiger la transparence et de renforcer l’éducation sanitaire pour éviter que notre société ne se laisse guider par des récits imaginaires.
La vérité, même silencieuse, reste plus forte que les rumeurs les plus bruyantes.